dessin © Brice Goyard
C’est en cherchant sur le web des informations sur le Marché du Soleil que nous avons trouvé le mémoire complet et précis de Lily Celle, Olivier Michel et Yasmine Ouadi, publié en 2015 dans le cadre du Master 2 de l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional.
L’équipe de Fatche2 ! a donc donné la parole à Lily et Olivier pour qu’ils nous guident de leur regard d’urbaniste dans ce “village” en plein coeur de la Joliette.
Pourquoi parle-t-on de “l’îlot” Bon Pasteur ?
Un “îlot”, c’est la plus petite unité urbaine, délimitée par des rues. Son identité se définit par ses formes urbaines, mais aussi par ceux qui y vivent : ce sont les interactions entre les habitants et leur espace de vie qui le définissent. Lîlot Bon Pasteur est un espace singulier, délimité par les rues Fauchier, Malaval, Montolieu et bien sûr, la rue Bon Pasteur.
L’attractivité de cet îlot est visible. Les magasins qui débordent sur les rues, les commerçants qui habitent cet espace, les passants et habitants qui se retrouvent pour discuter sur une terrasse de fortune en font la singularité. C’est cette richesse d’interactions qui donne à l’îlot Bon Pasteur un véritable aspect de village dans la ville.
Quel est son lien avec le quartier de la Joliette ?
Rien ne semble lier les secteurs que sont Joliette et Bon Pasteur, pourtant si proches. Pas de pont entre ces deux îles étrangères comme le dit si bien Leila, 23 ans, lors d’un entretien en Novembre 2014 :
« À partir de la rue Fauchier, vraiment tout le quartier de la Joliette, moi j’ai l’impression de passer dans un désert, pourtant il y a beaucoup de choses, mais rien qui ne me touche, pas de lien social, pas d’émotion. De l’autre côté quand on monte la rue Montolieu, là il y a vraiment des gens qui se parlent, qui se connaissent, des interactions. Ça parait un peu crade, crasseux et bordélique mais en fait tout se tient, tout a une utilité, une fonction et les choses ne sont pas là par hasard. De l’autre côté on a l’impression que ça a été posé là, par ce que ça fait joli, que ça correspond à une ville un peu plus moderne, alors qu’au final c’est creux. »
Et le Marché du soleil dans tout ça ? Quel est son rôle, et quel sera selon vous son avenir ?
Ce qui fait l’identité de l’îlot Bon Pasteur et sa reconnaissance au-delà de ses frontières, c’est justement le Marché du Soleil, objet urbain, culturel et commercial qui rythme la vie du quartier et relie Bon Pasteur et Fauchier dans un dédale d’allées quasiment impossible à cartographier. Une valorisation du Marché du Soleil et de toutes ces rues animées par des commerces variés (à la sauvette, improvisé, peu réglementé) est rendue inévitable par l’insalubrité des logements et de certains cas de périls.
Inévitable, mais néanmoins dangereuse. Comment renouveler un espace, le faire évoluer alors même que les opérations d’urbanisme sont souvent vécues comme des «opérations de police» ? Éloignées de tout processus participatifs, conduites sans concertation, elles aboutissent trop souvent à l’expulsions des habitants, qui ne sont autres que les tenants de l’identité de cet espace. Il serait triste que les aménagements d’Euroméditerranée se résument à un lissage et à une opération de promotion immobilière menant à des expulsions à l’instar de la rue de la République. Le renouvellement du quartier ne doit pas aboutir à la disparition de son identité, de son unicité.
En récupérant des panneaux de chantier, les habitants barrent parfois eux-mêmes les rues, instaurant de fait une rue piétonne, lente, plaisante. C’est son aspect informel qui fait toute la vie du quartier… Même si la puissance publique souhaitait un jour supprimer le Marché du Soleil, on peut douter de ses capacités à y parvenir, car plus qu’un marché couvert, il est le coeur d’un îlot et d’une population qui ne pourra pas le laisser disparaître, tant elle y est attachée.