Nous avons discuté longuement avec Kristel Guyon, coordinatrice du projet Coco Velten, pour en comprendre toutes les articulations.
Après des études à Sciences Po Lyon et un master sur le monde arabe et le développement durable, Kristel a passé 5 ans au Liban où elle a occupé un poste de coordination générale dans une entreprise sociale et d’insertion libanaise autour des questions des déchets, de la jeunesse, du social, ou de la santé. Le mal du pays l’ayant rattrapé, elle a postulé à une offre d’emploi de Yes We Camp pour le projet Coco Velten et est arrivée sur le site en février.
Coco Velten, c’est des espaces accessibles à tous. Mais ce n’est pas seulement ouvrir ces espaces, l’objectif c’est que les gens s’approprient ces espaces. En fait, c’est une plateforme des envies du quartier et des « cocos » !
Peux-tu te présenter ? Quelle est ta fonction au sein de Coco Velten ?
Je m’appelle Kristel Guyon. Mon poste officiel c’est « Coordinatrice des partenariats innovants ». En réalité, quand tu travailles à Yes We Camp, tu touches à tout. On est tous des couteaux-suisses ! Mais je travaille surtout autour des partenariats économiques avec les bailleurs de fonds et les partenariats socio-culturels avec les associations clés présentes dans le quartier. Je crée du lien. Je suis une « facilitatrice », mon boulot c’est surtout de faire beaucoup de réunions avec plein de gens pour qu’ils fassent plein de choses à Coco Velten ! Et aussi assurer que tout ça fonctionne à l’intérieur du projet, le suivi du budget, veiller à ce que « le bateau » tienne le cap ! C’est beaucoup de responsabilités, mais qui sont partagées avec le reste de l’équipe.
Comment résumerais-tu le projet Coco Velten ?
C’est un espace des possibles pour permettre de décloisonner les pratiques entre le travail social et ce qu’est un espace public. Il y a des gens qui souhaitent faire des choses et qui cherchent des espaces pour pouvoir les faire. Nous, on leur dit : « ok, ça rentre dans le cadre du projet, tu peux le faire ». Coco Velten, c’est des espaces accessibles à tous. Mais ce n’est pas seulement ouvrir ces espaces, l’objectif c’est que les gens s’approprient ces espaces. En fait, c’est une plateforme des envies du quartier et des « cocos » !
Peux-tu nous parler de l’historique du projet ?
La Préfecture de la Région de Provence-Alpes-Côte d’Azur a créé le Lab zero pour tenter de résoudre des problématiques d’innovation sociale, dont l’objectif zéro sans abri à Marseille. Ils sont allés voir le projet « Les Grands Voisins » à Paris monté par Yes We Camp, Aurore et Plateau Urbain dans un hôpital désaffecté dans le 14ème arrondissement. Ils ont tellement de bâtiments inoccupés qu’ils ont souhaité monter un projet similaire. Ils ont démarché YWC avec l’objectif de faire la même chose que les Grands Voisins à Marseille avec les mêmes acteurs. Plusieurs lieux ont été visités et c’est ce bâtiment qui a été retenu pour plusieurs raisons. C’était le moins vétuste, le plus proche du centre-ville et avec des aménagements extérieurs. Aurore a été sollicité pour nous suivre sur ce projet, sur le modèle de ce qui avait été construits aux Grands Voisins, mais venir à Marseille représentait un risque financier trop important pour eux. C’est le groupe Sos Solidarité qui a accepté de prendre en charge la RHVS (résidence hôtelière à vocation sociale). Plateau Urbain, qui était également à Paris, a suivi. La différence avec les Grands Voisins, c’est que la convention d’occupation temporaire a été juste signée entre YWC et la Préfecture. YWC a passé des sous-conventions avec Plateau Urbain et SOS Solidarité pour piloter le projet. C’est YWC qui prend les risques financiers mais aussi de sécurité.
Coco Velten part de l’expérience réussie des Grands Voisins. Le projet a pu définir plus facilement le budget « socle », la contribution des loyers des bureaux, de la résidence sociale, … C’est plus transparent. Le cadre a été fixé bien en amont. Avec les Grands Voisins, on était dans l’expérimentation totale.
Coco Velten est construit autour de 3 piliers : 80 places pour des personnes sans abri, les 40 ateliers-bureaux, et les espaces publics qui permettent d’héberger toute une programmation et de créer du lien.
Concrètement, c’est quoi Coco Velten ?
Coco Velten est construit autour de 3 piliers : 80 places pour des personnes sans abri avec des profils mixtes (des personnes isolées, des familles, …) avec des espaces communs et la possibilité de rester le temps qu’ils souhaitent sur la durée du projet. Ce sont aussi les 40 ateliers-bureaux, qui répondent à quatre critères de sélection : un besoin de locaux, la mixité entre les structures, la volonté de faire des choses avec le quartier et leur apport au projet. Le troisième pilier, c’est les espaces publics : la cantine, la Halle, l’Annexe et le Toit-Terrasse, qui permettent d’assurer toute une programmation. Ces espaces peuvent être privatisés pour assurer le modèle économique du projet.
Comment est financé le projet Coco Velten ?
Au début du projet avec la Préfecture, on a estimé que le chantier, en prévisionnel sur 3 ans s’élèverait à 450 000 €. Et le but, c’était que ces investissements là soient pris en charge par des subventions. On n’a pas réussi à réunir l’ensemble des subventions nécessaires pour couvrir les frais d’investissement pour le moment mais on a quand même décidé d’y aller. A priori, avec les deux salles des archives qui sont encore en attente, on sait qu’on va dépasser ce prévisionnel de chantier, et aller probablement jusqu’à 550,000 – 600,000 € de travaux. Et ça, c’est seulement le « socle », c’est sans compter ce que les ateliers-bureaux ont fait dans leur locaux et ce que la résidence sociale a fait pour aménager son espace, les sanitaires, etc. Et ensuite, il y a 600 000 € de fonctionnement par an, dont un tiers devait être financé par des subventions publiques. Là aussi, il nous manque une partie, on attend encore des réponses de la Région, du Département. On a l’espoir de trouver un partenariat avec la ville de Marseille. Et les deux tiers restant, c’est de l’autofinancement. Il y a les loyers de bureaux et les contributions aux charges de la résidence, les recettes de la cantine et la privatisation de certains espaces, pour une conférence, un mariage, le tournage d’une séquence de plus belle la vie par exemple.
Nous n’avons pas investi sur du matériel qui dure puisque nous ne sommes là que pour 3 ans. Le but c’est de partir avec le matériel. Quand on partira, on prendra le bois… On démonte et on s’en va !
Qu’est-ce que ça représente de réhabiliter un lieu comme ça ?
Les travaux ont commencé en septembre 2018. Les ateliers-bureaux sont arrivés à partir de décembre et c’était encore en chantier. On a ouvert la cantine le 10 avril 2019. Il y a eu trois mois de retard à cause de l’amiante. On a eu plusieurs problèmes à gérer. Il y a beaucoup de campeurs qui ont travaillé sur le chantier. Il y a eu pas mal de réemploi de matériaux. On est sur une économie « bout de ficelle sur bout de ficelle». On a un partenariat avec l’entreprise sociale Raedificare qui nous amenait des portes, des cloisons, des dalles récupérés sur d’autres chantier. Les sanitaires, par exemple, ce sont des toilettes qui ont déjà été utilisées ailleurs. Cela permet de réduire les coûts. Tout ce qui est mis en place n’est pas fait pour rester. Nous n’avons pas investi sur du matériel qui dure puisque nous ne sommes là que pour 3 ans. Le but c’est de partir avec le matériel. Quand on partira, on prendra le bois, … On démonte et on s’en va ! Par exemple, si tu regardes le toit, il y avait des problèmes d’infiltration et ça coûtait beaucoup trop cher de refaire tout le toit. On a fait du « patchwork » sur les principales fuites et ensuite on a mis en place les pilotis sur bois pour que le toit résiste et en même temps, ça crée une scénographie. Mais après, quand on part, on part avec le bois !
On est sur une direction assez horizontale de la prise de décision, donc ça demande aussi du temps. Il faut de la discussion, du débat et de la prise de décision, donc il y a pas mal de réunions d’équipe. On fonctionne en « pôle de travail »
Quel est le quotidien d’un salarié de YWC sur Coco Velten ? ça représente quoi de s’investir dans un tel projet ?
On est 11 salariés, dont des services civiques et des stagiaires. Les postes sont bien répartis, par exemple, Claire à la végétalisation, Mathieu à la direction technique, Elsa sur la programmation, Raph sur le côté artistique, etc, mais il nous manque des bras ! On est pas cloisonné sur notre fiche de poste, on est tous des couteaux suisses. Par exemple, on a personne pour s’occuper des privatisations. On se partage le poste avec Océane, et quand il y a de la logistique, tout le monde est mobilisé sur le front. Même chose pour la cantine, on a pas assez de budget pour assurer le nombre de serveurs nécessaires, du coup un YWC fait 4h/semaine de bénévolat derrière le bar. Ce qui nous permet aussi de faire de la médiation directe avec le public. Après, on est sur une direction assez horizontale de la prise de décision, donc ça demande aussi du temps. Il faut de la discussion, du débat et de la prise de décision, donc il y a pas mal de réunions d’équipe. On fonctionne en « pôle de travail », « pôle programmation », « pôle technique de chantier », etc. et la grand réunion d’équipe. Quand je te dis que mon travail n’est que réunion, au minimum,
j’en fais 4 par jour, en interne ou avec l’extérieur. Il y a une cohésion de groupe et c’est très important. Si on était pas tous aussi « à fond » en étant « groupe », cela ne fonctionnerait pas. Les moments de rush, il faut que tout le monde soit là pour le rush même si c’est pas sur ta fiche de poste.
Comment ça tient ?
Parfois, il y a des moments où tu es au creux de la vague, ou c’est difficile, tu es fatigué et tu as besoin d’une nouvelle force, une « pom-pom girl des équipes » qui rebooste tout le monde ! Quand il y a eu l’ouverture de la Halle et de l’Annexe, ça été une grosse semaine pour nous. On avait fait les portes ouvertes dans la même semaine, une de nos premières privatisations, donc grosse pression ! Il fallait être à fond ! En fait, c’est un bon test pour voir si le projet marche et si il y a de la solidarité dans l’équipe. L’esprit de YWC, c’est de dire qu’on peut tous apprendre, on est tous là ensemble dans le même bateau et on essaie de suivre le bon cap. Et le projet ne peut que tenir grâce à l’énergie que l’équipe met dedans.
On a besoin d’être nourri de l’extérieur, ça ne peut pas seulement reposer sur nous. Ça doit venir de toutes les personnes qui sont là, les apports des ateliers-bureaux, des résidents, des habitants du quartier pour que la «mayonnaise puisse prendre » et que tout cela fasse Coco Velten.
Cela ne s’arrête pas à l’équipe, vous avez besoin aussi des ateliers-bureaux et de la résidence ?
Oui, et c’est pour cela qu’on vous sollicite souvent. On a besoin d’être nourri de l’extérieur, ça ne peut pas seulement reposer sur nous. C’est le modèle qu’on doit trouver à Coco Velten, économiquement, ça ne peut pas tenir seulement sur l’implication de YWC, Plateau Urbain et le Groupe SOS, ça doit venir de toutes les personnes qui sont là, les apports des ateliers-bureaux, des résidents. C’est pour cela qu’on fait aussi les conseils de vie, les cercles, etc., pour que la « mayonnaise puisse prendre » et que « tout cela » fasse Coco Velten.
Comment ça se passe concrètement ? Est-ce qu’il y a des frustrations ? Vous avez beaucoup de retours ?
Il faut qu’on s’habitue tous les uns aux autres. La cantine a trois mois d’existence, la Halle et l’Annexe, même pas trois semaines. On est hyper pressé parce qu’on est des impatients. On a envie de tout faire. Mais il faut laisser les choses s’installer. Je pense qu’en septembre, il va y avoir une nouvelle énergie avec l’ouverture du Centre Municipal d’Activités, de la Cité de la Musique. Cela va créer une nouvelle impulsion. On a le sentiment parfois qu’il y a une position de « consommateur » alors qu’on aimerait qu’ils soient « acteurs ». Il y a des ateliers-bureaux très impliqués dans la vie collective du projet et d’autres qu’on voit moins. On essaie de jongler avec ces deux vitesses et c’est cela qui est un peu compliqué dans le conseil de vie, car il y a des personnes qui sont à fond avec l’envie de faire pleins de choses et d’autres qui disent « oui, ok, c’est cool mais moi je n’ai pas le temps ». Mais on ne peut pas attendre de tous la même chose.
Qu’est-ce que ça génère d’avoir une Résidence Hôtelière à Vocation Sociale (RHVS) au sein du projet ?
Là aussi, on ne vit pas la même chose avec tous les résidents. Il y a des résidents qu’on voit tout le temps, qui ont envie de créer du lien. Et d’autres qui ont un parcours de vie très compliqué et qui préfèrent rester isolés. Avec le départ du directeur, Eric-Noël Damagnez, et l’ouverture du 2e étage de la résidence, l’équipe du Groupe SOS-solidarités doit faire face à beaucoup d’urgences. On sait qu’on leur apporte des bouffées d’air frais avec ce qu’on met en place avec les ateliers végétalisation, les mercredi repas prix libre, en terme d’insertion sociale et professionnelle. Nous ne sommes pas des travailleurs sociaux mais on essaie de créer des espaces où le travail social est possible. Il nous manque certainement des outils qui nous permettent d’être vraiment bien armés. On est par exemple désemparé sur l’accueil des personnes : il y a environ 15 personnes par semaine qui viennent ici pour demander une chambre, et là on a rien à leur proposer. Il nous manque des outils pour référencer ces personnes par exemple. On est pas encore hyper bien rodé là-dessus mais j’espère que ça va venir.
Le projet est temporaire donc on ne veut pas venir, tout investir et partir ! Ce qui est important ce sont les liens que créent les ateliers- bureaux avec les associations du quartier, car eux seront encore là. Les liens pourront perdurer.
On crée, on fait du lien avec des associations qui ont envie de travailler dans ce contexte. L’association SINGA, par exemple, nous a contacté et veut travailler avec nous. Hier, j’avais rendez- vous avec le service de réinsertion de la prison des Baumettes. Le groupe SOS Solidarités est en train de monter un consortium avec 15 associations qui sont spécialistes dans l’insertion professionnelle, l’accès à la santé, aux droits, etc. Et de notre côté, on met d’autres choses en place. Nous avons un partenariat avec un avocat qui met en place des permanences juridiques les derniers vendredi après- midi du mois. En septembre, l’IRTS va mettre en place un accueil parents/enfants, une demi-journée par semaine. Tout cela est en train de se construire et ça va prendre un peu de temps.
Quel est l’ambition du projet Coco Velten dans ses liens avec le quartier ?
Le projet est temporaire donc on ne veut pas venir, tout investir et partir ! Ce qui est important ce sont les liens que créent les ateliers-bureaux avec les associations du quartier, car eux seront encore là. Les liens pourront perdurer. Une fois que le projet se termine, tout ce qui s’est fait à Coco Velten pourrait perdurer en dehors de Coco Velten. Ce n’est pas le lieu qui compte, c’est l’état d’esprit qui doit rester.
Comment vous travaillez avec le quartier ?
Il y a eu beaucoup de réunions de médiation avec le quartier, les CIQ. Il y a eu les « Mardis Coco » avant que le chantier commence, pour présenter le projet mais aussi demander les besoins et envies. L’idée de la cuisine atelier est née dans ces réunions. On s’est rendu compte qu’il y avait une cuisine professionnelle au centre social qui était inexploitable car trop compliquée à utiliser et qu’ils avaient besoin d’une cuisine de quartier plus accessibles pour les habitants donc le projet est né. Pareil pour la végétalisation ! On se rend compte que la végétalisation est un super outil pour faire du lien avec les familles, les mamans avec les enfants… Les écoles du quartier ont cette demande-là, notamment L’école des Dames qui nous ont dit « ça fait trois ans qu’on essaie d’avoir une jardinière, on n’y arrive pas. Vous, vous arrivez, vous nous proposez des trucs, c’est super ! ». Pour le moment, on est très centré sur l’îlot, on est pas encore allé vers Belsunce et la Porte d’Aix, mais c’est l’objectif.
Comment vous allez atteindre cet objectif ?
On a créé le cercle « lien au quartier » qui va reposer aussi sur les liens qu’ont les ateliers-bureaux et les résidents, et ça va faire émerger des idées. Il y a aussi la végétalisation qui fait du lien avec les écoles. Et aussi, faire des évènements en dehors de Coco, aller à la rencontre des habitants, investir la place Louise Michel, la Porte d’Aix, faire des chantiers participatifs de mobilier urbain, ce genre de choses.
Qui sont les partenaires extérieurs ?
Le centre social est un partenaire clé, avec l’échange de cuisine et ils sont très investis dans la végétalisation. Parchita utilise leur cuisine professionnelle et en échange, ils utilisent notre cuisine pour faire des ateliers cuisine. La Mairie du 1/7 sur l’utilisation et les aménagements de l’îlot. Le Contact Club est un partenaire important aussi. Ils nous ont aidé sur le chantier avec les jeunes et le pôle production dans les Archives, qu’on appelle pour le moment la Minifacture, c’est en partie avec eux qu’on a envie de le monter. Et la Cité de la Musique aussi. Tout cela est très centré sur l’îlot, on commence juste à travailler au-delà de l’îlot. Par exemple avec Mohamed Adi et les Belsunciades. Le Théâtre de l’œuvre est dans le cercle radio, le CIQ commence à faire ses réunions chez nous, etc.
Avec les jeunes de l’îlot, par exemple, on s’est rendu compte qu’ils n’osaient pas passer les belles palissades que nous a mis la Mairie, et quand on a fait la soirée Bingo, il y a trois semaines, ils sont venus et ils étaient à fond ! Du coup des projets ont émergé.
On peut voir des tags « Coco Vendus », « gentrificateurs », etc… Comment vous vivez cette hostilité ? Qu’est-ce que vous en faites ?
L’hostilité, elle a changé avec l’ouverture de la cantine. Le collectif Pensons Le Matin avait organisé une réunion publique avant cette ouverture et effectivement, ça avait été un moment intense avec beaucoup de critiques. Entre « vous ramenez des pauvres chez les pauvres » et « vous servez la gentrification pour les promoteurs immobiliers »… Je pense que les gens étaient hostiles car ils avaient peur qu’il n’y ait pas de place pour eux dans le projet. Notre discours, celui de la réalité, c’est de dire par exemple « tu veux faire un repas, viens, la cantine est pour toi ; tu veux lancer ton groupe de musique, fais un concert !». Et ça, ça change la donne car les gens sentent qu’ils peuvent s’approprier les espaces.
Avec les jeunes de l’îlot, par exemple, on s’est rendu compte qu’ils n’osaient pas passer les belles palissades que nous a mis la mairie, et quand on a fait la soirée Bingo, il y a trois semaines, ils sont venus et ils étaient à fond ! Du coup des projets ont émergé. Une fois de plus, tout ça prend du temps mais j’ai le sentiment que l’hostilité a changé depuis qu’on a ouvert les espaces. Les gens se rendent compte qu’ils peuvent faire des choses ici. On a pas encore converti tous les non convertis ! Il y a encore des gens qui ne viendront pas. On fait ce qu’on peut !
La préfecture a pour ambition que ce projet fasse modèle et qu’on puisse ensuite le répliquer ailleurs, l’essaimer dans d’autres lieux, mais le modèle économique n’est pas encore trouvé. On croit au projet, on s’investit tous à fond, mais peut-être qu’on sert aussi notre propre exploitation.
Et sur la gentrification ?
C’est une réalité. Il y a un public qui vient et qui ne connaissait pas du tout Belsunce avant. Mais le processus existe de toute façon, qu’on soit là ou pas là. Le fait qu’on arrive à mixer la résidence sociale, les ateliers-bureaux, la cantine, etc, montre qu’on est pas juste un tiers-lieux culturel sans aspect social. On connaît cette critique mais on a pas vraiment de réponse à apporter. C’est quelque chose qui nous dépasse. Peut-être qu’on a un rôle politique qu’on ne prend pas en considération ou qu’on a du mal à assumer. Les politiques ont mis un tel faisceau sur nous ! Le fait par exemple que le Premier Ministre fasse l’inauguration de la Cantine sur invitation de la Préfecture. Cela a ouvert de nouvelles portes de financement.
Il y a un gros problème de logements à Marseille, avec tous les immeubles mis en péril, les délogés… Je ne sais pas si Coco Velten est une réponse. Je crois au projet et à ce qu’il s’y passe mais pour le reste… La préfecture a pour ambition que ce projet fasse modèle et qu’on puisse ensuite le répliquer ailleurs, l’essaimer dans d’autres lieux, mais le modèle économique n’est pas encore trouvé. On croit au projet, on s’investit tous à fond, mais peut-être qu’on sert aussi notre propre exploitation.
On est à la moitié de l’année 1 du projet, quel premier bilan peux-tu faire ?
On a passé un gros bout du tunnel en termes de chantiers, aménagements, ouverture des espaces. Maintenant, il reste à voir ce qu’il se passe ! La Halle et l’Annexe, il y a 1000 possibilités de choses qui peuvent se passer à l’intérieur et pour le moment, c’est encore un peu flou en termes de programmation. J’ai hâte qu’on ait les financements pour pouvoir lancer le chantier de la salle des archives qui va permettre de faire du lien dans le quartier car on va faire un grand pôle production : fabrication, atelier bricolage, bois, métal, impression 3D. Cela va nous permettre de lancer des formations, sensibiliser les jeunes au tri, parce qu’on veut développer une machine qui recycle le plastique. On veut faire aussi un espace escalade, ou ecole de cirque, pour utiliser la hauteur sous plafond avec pourquoi pas trapèze et trampoline, … ça pourrait créer plus de liens avec les jeunes du quartier et il y a des associations en demande de ces activités sportives.
Coco Velten, c’est un peu le festival permanent. Il y a plein de choses à faire tout le temps. C’est cool car ton esprit cogite tout le temps et physiquement, je peux te dire que j’ai pris des biscotos ! C’est une opportunité, à nos âges, d’avoir autant des responsabilités, faire émerger un projet auquel on croit, ça n’arrive pas souvent.