Le vélo est un secteur d’emploi en plein boom. Compte tenu de l’augmentation du nombre de vélos fabriqués en France et de la hausse de la pratique du vélo, le Shift Project estime à 230 000 le nombre d’emplois créés d’ici 2050.
Le potentiel en emploi est particulièrement significatif dans les services autour du vélo et de son entretien (+ 185 000), mais reste très important également en termes d’industrie (+ 45 000).
Pour autant, l’offre de formation professionnelle est encore en train de se structurer et le maillage territorial des centres de formation n’est pas encore assez dense pour répondre à la demande croissante.
Laura, Itiya et moi-même – Elina – nous sommes rendues sur le campus du CNPC Miramas, la seule école du département qui prépare à la mécanique et la vente de cycles.
Nous y avons rencontré Eric Lac, coordinateur de formation. On vous invite donc à nous suivre dans les coulisses de la formation Technique Vente Cycle (TVC) et à découvrir les parcours de Didier et Manuel tous deux en formation, qui portent des projets totalement différents !
Personnellement, j’étais particulièrement intéressée par cet entretien puisque j’envisage de m’y former dans le cadre de ma reconversion professionnelle.
Pouvez-vous nous expliquer votre rôle dans cette structure et votre parcours professionnel pour en arriver là ?
Eric Dac : Je suis coordinateur de formation et formateur en même temps. Ça veut dire que je trouve les différents intervenants, je mets en place les différentes formations et je forme bien sûr à la mécanique parce que c’est mon métier.
Je suis le pur produit de la reconversion, car mon métier à la base, c’est électricien. Après j’ai travaillé dans le commerce pendant 15 ans, j’étais responsable de rayon à Leroy Merlin. Puis j’ai eu envie de travailler dans ma passion et j’ai passé un diplôme qui correspond un peu à ceux que je fais passer ici au CNPC.
J’ai ainsi pu ouvrir mon magasin de vélo, que j’ai tenu pendant une dizaine d’années. J’ai ensuite été responsable de rayon cycle chez Intersport. Et quand il y a une école du CNPC qui s’est ouverte à Miramas, ça m’a intéressé d’y être formateur parce que ça me plaît beaucoup de partager. J’ai commencé en tant que formateur vacataire, puis formateur embauché, et maintenant coordinateur de formation.
Est-ce que vous pourriez présenter en quelques mots le CNPC Miramas ?
Eric Dac : Le CNPC c’est une société qui vient de Pau et qui a créé plusieurs antennes un peu partout en France. À Miramas, on propose des formations supérieures bac + 3 et des formations techniques.
Quelles formations proposez-vous autour du cycle?
Eric Dac : Le modèle de formation le plus courant, c’est celui qu’on a actuellement, qu’on appelle le TVC : “Technicien-Vendeur-Cycle”, qui dure 2 mois.
On fait aussi des formations courtes qu’on appelle l’ADMA. C’est une formation financée par l’État pour les gens qui sont en recherche d’emploi et qui dure trois semaines.
L’année prochaine, on aura aussi du TVC apprentissage. C’est-à-dire qu’on va mettre la formation sur huit mois et elle sera financée par l’employeur.
On a entre 7 et 8 formations sur l’année en tout.
“Quand l’employeur a le choix entre quelqu’un qui a une attestation de trois semaines et une personne qui a suivi une formation de deux mois, c’est vite vu.”
Quelle est la différence en termes de certification?
Eric Dac : Au niveau de la certification, le TVC est un diplôme reconnu par l’État de niveau 4. Alors que l’ADMA délivre seulement une attestation de compétences. Ce n’est pas du tout un diplôme. Sur trois semaines on n’apprend pas pareil que sur deux mois.
La plupart du temps, les gens qui viennent ne sont pas du milieu du vélo. Après trois semaines, ils se rendent compte que ce n’est pas suffisant pour travailler dans ce métier en tant que débutant. Le but c’est donc de les faire venir ensuite sur la formation de deux mois. Quand l’employeur a le choix entre quelqu’un qui a une attestation de trois semaines et une personne qui a suivi une formation de deux mois, c’est vite vu.
Comment vos formations peuvent-elles prises en charge ?
Eric Dac : Elles sont finançables par le compte CPF, par financement personnel, et parfois c’est un mixte. Quand le compte CPF ne prend pas tout, Pôle Emploi peut aussi prendre une partie.
Combien de personnes formez-vous par an?
Eric Dac : On forme entre 80 et 100 personnes chaque année. En général on a des classes de 10.
Bien sûr tout le monde n’obtient pas son diplôme. Je dirais que c’est tout de même environ 90% de réussite. Il y a une partie commerciale, avec un test de vente à passer, il y a une partie écrite avec de la gestion commerciale, du calcul de marge, etc… Puis une partie mécanique qui est quand même très importante.
“Ça n’attire pas forcément, le vélo électrique, mais c’est là qu’il y a le plus de travail et c’est là où les emplois explosent. Il faut que les gens ici arrivent à le comprendre.”
On parle souvent de métiers qui sont en tension. Est-ce que ça recrute et est-ce que vous avez un suivi des personnes qui suivent vos formations ?
Eric Dac : Oui c’est un secteur qui est extrêmement en tension et ça recrute énormément. Je dirais même qu’il y a plus d’offres d’emploi que de demandes de gens formés.
La difficulté principale rencontrée, c’est qu’il faut être mobile. On veut souvent travailler à côté de chez soi, et ce n’est pas toujours évident. Alors quand on est sur une grande ville comme Marseille, c’est plus facile.
Les métiers qui se développent énormément dans le vélo, ce sont les métiers sur le vélo électrique. Ça n’attire pas forcément le vélo électrique, mais c’est là qu’il y a le plus de travail et c’est là où les emplois explosent. Il faut que les gens ici arrivent à le comprendre.
Et dans le vélo électrique, c’est pas le même type de clients. Les gens qui arrivent avec un vélo, même un beau VTT électrique, ne sont pas les mêmes que ceux qui achètent un vélo musculaire. C’est pour ça que le vélo électrique explose parce que, même en termes de vente, c’est le seul marché qui progresse. Ça a attiré des gens qui ne faisaient pas de vélo avant.
Est ce que vous formez spécifiquement autour du Vélo à assistance électrique (VAE) ?
Eric Dac : Au final un VAE, c’est un vélo avec une partie cycle standard, donc tout ce qu’on apprend ici pour le vélo musculaire normal est utile. Pour le côté électrique, ça paraît compliqué mais ça l’est beaucoup moins qu’on le croit. C’est comme les voitures en fait, une fois qu’on a tout branché, il suffit de lire un petit peu, de déchiffrer un petit peu les différentes applications et on arrive à s’en sortir.
Les gens ici, c’est vrai qu’ils veulent plutôt travailler pour le côté musculaire, sportif, “beau vélo”, le vélo qu’on voit sur le Tour de France par exemple. Moi le vélo électrique, ça me fait pas rêver faut être honnête.
Et pour creuser un petit peu le profil des apprenant.es, quel public s’intéresse finalement à vos formations ?
Eric Dac : Les profils sont complètement différents. Parfois ça va de 18 à 60 ans. Ils n’ont pas tous le même profil ni les mêmes objectifs. Il y a des gens qui sont presque à la retraite, qui veulent quelque chose pour compléter leur retraite. Il y en a qui veulent créer leur magasin. Puis, il y a des gens qui se recyclent complètement : j’ai même eu des RH qui ont fait des burn-out et qui ont se sont mis dans le bain ; beaucoup de cuisiniers aussi, depuis qu’il y a eu le covid ; puis des gens qui en ont marre de leur métier qui veulent travailler dans un métier “passion”.
Tous veulent acquérir plus de connaissances techniques, parce que c’est ce qui fait la différence, quoi qu’il arrive. Parce que démonter et remonter en vélo, ce n’est pas le plus difficile, et tous ceux qui sortent de la formation sauront bien le faire. Par contre, connaître tous les standards, c’est une particularité.
Les témoignages de Didier et Manuel
Manuel : “J’aimerais créer un atelier associatif”
Je suis graphiste de formation et j’ai exercé dans la communication pendant plus de 20 ans. Je suis assez fier de mon parcours, mais un peu fatigué d’être devant l’ordinateur toute la journée et de répondre aussi aux commandes des clients.
En parallèle, j’étais bénévole dans un atelier de réparation vélo et j’avais envie de partir là dessus. C’est pour ça que je suis à la formation aujourd’hui à Miramas, pour valider un peu mes acquis, me perfectionner sur les nouvelles normes des vélos qui évoluent en permanence.
Dans mon atelier à Marseille on est plutôt sur des vélos du quotidien, des vieux modèles. Ce qui est bien dans la formation c’est qu’on voit des trucs que je ne verrai jamais à l’atelier.
Il y a tout ce qui est technique de vente que moi je maîtrise pas du tout.
Au début, je trouvais pas vraiment ce que je recherchais, mais au final je trouve ça intéressant.
J’aimerais créer un atelier associatif, peut-être en dehors de Marseille. J’ai envie de tester un modèle pour que des gens puissent construire des vélos en une semaine. Si je n’arrive pas à faire ça – parce que c’est quand même des budgets à 2000 euros la semaine – ce serait de me lancer sur des projets de fabrication de remorque. Les gens vont moins utiliser leurs voiture, donc il va y avoir de nouvelles problématiques de transport.
Didier : “ce que je veux c’est être bon en mécanique et être bon en accueil client”
À l’âge de 11 ans environ j’ai commencé à bricoler mes vélos moi-même et suite à ça, dans les années 2005 j’ai ouvert un magasin de cycle. C’était un rêve. Je l’ai gardé pendant 6 ans avant de le fermer et de passer à autre chose.
Je fais cette formation pour me remettre dans le bain et rouvrir un magasin.
C’est surtout pour la théorie parce que le vélo a vraiment évolué. Je connais bien les vélos, je sais reconnaître les modèles mais je n’ai pas de connaissance en théorie d’approche commerciale.
Et puis je découvre aussi les process atelier. Lorsqu’on démontait avant, c’était machinal pour nous, et je m’aperçois en faisant cette formation qu’il y a des choses à faire qu’on ne faisait pas.
Aujourd’hui les chiffres de vente dans le vélo sont vraiment exceptionnels, les gens maintenant font énormément de vélo, que ce soit pour le déplacement, pour aller au travail ou pour les loisirs.
Dans les petites régions, on a du monde tout l’été.
Si je fais cette formation c’est aussi pour pouvoir vraiment partir sur une base de clientèle importante et puis dans quelques années redonner le magasin à mon fils qui est aussi un passionné.
Moi ce que je veux c’est être bon en mécanique et être bon en accueil client, et ici on apprend tout ça.