Entretien avec Sebastien Leveque, directeur national et Valérie Burnouf, responsable campus de Marseille
Pouvez-vous nous présenter XP School ?
Sebastien Leveque : XP school est une école spécialisée dans l’esport et le gaming. Elle fait partie du groupe IONIS, premier groupe d’enseignements supérieurs privé en France, avec 30 000 étudiants et plus de 30 écoles maintenant. Vous êtes ici sur le campus de Marseille.
XP school propose deux parcours : un parcours après le bac donc un Bachelor, l’équivalent d’une licence qui prépare aux métiers de l’événementiel / marketing / streaming / Influence / Communication et business développement et qui se poursuit en année 4 et 5 en alternance uniquement, un jour école et quatre jours en entreprise. Nous avons aussi un parcours de fabrication de jeux vidéo, c’est un parcours qui est récent.
Est-ce que vous proposez des formations pro ?
Sébastien Leveque : Oui, le master est en alternance. Vous pouvez intégrer le cursus en master avec une licence ou l’équivalent. Nous avons deux branches : une « événementiel streaming » : donc comment je fais un évent esport ? Comment j’installe un plateau de stream, je monte des caméras, etc. Et nous avons une autre branche, un petit peu plus « marketing / commerce / entrepreneuriat ». Voilà les deux spécialités que vous pouvez trouver sur le campus de Marseille.
Valérie Burnouf : Cela correspond aux demandes du territoire. Dans la Région SUD, nous avons des profils qui sont très poussés vers l’entrepreneuriat, qui ont envie de construire les choses et de faire les choses pour eux-mêmes de manière individuelle.
Sébastien Leveque : Il existe des gros événements dans la région mais ils sont organisés par des grosses boites comme Webedia ou Riot Games. Des événements créés par des entreprises du territoire, il n’y en a quasiment pas, donc il y a des choses à faire !
Valérie Burnouf : Nous accompagnons aussi les entreprises. Prenons l’exemple d’une agence de com classique qui voudrait se lancer sur des actions liées aux jeux vidéo et à l’esport. Comme ils n’ont pas cette spécificité et cette connaissance sectorielle, ils ne vont pas gagner le marché. Mais s’ils ont au sein de leur agence, un alternant qui a cette spécificité là, ils vont pouvoir aller démarcher et aller chercher des clients et des portefeuilles qu’ils n’auraient pas eu ailleurs. ça leur permet de se développer aussi sur d’autres choses. Parce qu’on reste quand même une école de commerce. Ici, on acquiert des compétences et des connaissances d’écoles de commerce qui sont classiques mais on a une spécificité « industrie du jeu vidéo et esport », et cela, nous sommes les seuls à le faire en France.
Il faut trouver seul son entreprise en alternance ou vous avez des partenariats ?
Sébastien Leveque : Alors je vais prendre une métaphore : nous sommes au théâtre ! Nous allons fournir une scène, des décors, des lumières, des costumes mais à un moment donné il y a un acteur qui monte sur scène et l’acteur c’est toi !
Donc on fournit un cadre, on transfère des annonces, on met en relation. Mais le plus important, c’est quand toi tu es acteur et que tu dis » j’ai trouvé cette alternance, je vais postuler, quels conseils vous me donnez ? ». Nous on accompagne.
Au niveau du financement, ça se passe comment ?
Sébastien Leveque : Si tu es en alternance, tu n’as rien à payer. Ce sont les entreprises qui payent et tu es rémunéré en fonction de ton âge et de ton niveau de diplôme. Si vous avez des opportunités d’alternance, foncez ! ça va vous maintenir un pied dans le scolaire et un pied dans l’emploi pour vous qualifier tout en étant rémunéré sans avoir de dépenses à faire, moi c’est le conseil que je peux vous donner !
Comment se porte le secteur du jeu vidéo ?
Le jeu vidéo, c’est la première industrie culturelle mondiale : 175 milliards en 2020, un peu plus de 200 milliards en 2022 ! Le jeu vidéo fait plus d’argent que le cinéma, la musique et le livre réunis. Donc est-ce que le jeu vidéo est une industrie de demain ? Evidemment. La France est la 7e puissance mondiale sur le jeu vidéo, 3e puissance européenne, on est plutôt bien placé, il y a un vrai savoir-faire français.
C’est un secteur en pleine croissance qui n’est pas impacté par la crise et qui a des nouveaux besoins d’emploi constant. Je vais vous donner une data d’employabilité du secteur du jeu vidéo au sens large : quand il y a 100 offres d’emploi dans le jeu vidéo publié en France, la France est capable avec les talents français de subvenir à 95 postes. ça veut dire quoi ? ça veut dire qu’on a en permanence un déficit de compétences en France qui fait qu’on est obligé d’importer des gens de l’étranger pour pouvoir combler ses postes. Donc c’est un secteur d’avenir.
La France réalise en 2021, 5,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires. On est 39 millions de joueurs en France ! 73% de la population joue aux jeux vidéo au moins une fois par mois, 88% ont plus de 18 ans.
Sortons du mythe du gros geek qui ne sort pas de chez lui ! Les études montrent que les joueurs de jeux vidéo vont plus au cinéma, à un événement sportif, au musée ou au concert. Et ils pratiquent plus une activité sportive ! Aujourd’hui, le jeu vidéo est devenu un point d’entrée d’accès à la culture, au rassemblement et à la sociabilisation. Je me permets de rappeler que le jeu vidéo est une industrie qui se veut responsable, qu’il y a des jeux qui sont interdits au moins de 18 ans, comme GTA par exemple, ou Fortnite interdit au moins de 12 ans. Seulement 2/3 des gens sont au courant donc il y a aussi un travail d’accompagnement et de pédagogie à faire.
Qu’est-ce que l’esport ?
L’esport, c’est des compétitions de jeux vidéo en réseau. Il y a 10 millions de consommateurs ou pratiquants. On catégorise trois grandes catégories de joueurs esportifs :
- le joueur grand public : les joueurs s’affrontent sans classement, sans compétition, “je fais un FIFA avec mon pote”.
- l’esportif loisirs : ici, il y a une notion de classement mais pas forcément de compétition. “Je fais un Mario Kart et j’ai vraiment envie d’avoir la carapace bleue pour finir premier, ça me tient à coeur !”
- l’esportif amateur : les joueurs font des compétitions, jouent en réseau, essaient même de gagner un petit peu d’argent
Les événements esportifs se multiplient. On a du tourisme esportif événementiel maintenant ! L’événement du 11 juillet prochain, le ML Game Show 2 en fait partie ! Et nous ne sommes qu’au début. Les clubs de plage, les clubs Med développent de plus en plus cela. Et là aussi, il y a besoin de recruter des personnes formées et compétentes. Le sud de la France est un territoire pilote pour l’esport.
Comment fonctionne l’esport ?
L’esport n’existe pas sans jeux vidéo, c’est de la compétition de jeux vidéo donc il faut des jeux vidéo ! Ces jeux vidéo appartiennent à des éditeurs et ce sont eux qui ont le pouvoir ! S’ils veulent fermer tous les serveurs “League of Legend » demain, plus personne ne joue à LoL et c’est leur droit parce que c’est leur jeu. Mais dans les faits, est-ce que ce sont les éditeurs qui ont le pouvoir ? Oui et non parce qu’ils ne sont rien sans les fans, sans les communautés de joueurs. Dans les fans, on retrouve les gens qui consomment (qui regardent) et les gens qui pratiquent. Je peux être joueur ou je peux consommer à travers Twitch. Les éditeurs organisent des tournois, des compétitions « League of Legend » division 2, par exemple, qui sont articulés par des opérateurs, donc des boîtes de production événementielles. Il y a de la retransmission Internet par des boîtes de production audiovisuelle. Et tout cela peut être soutenu par des marques qui donnent de l’argent pour financer ces événements.
Quels sont les métiers autour de l’esport ?
L’animation : essentiel ! On retransmet, on anime, on commente ! Tous les animateurs que vous pouvez voir quand vous regardez Twitch. Ce sont des métiers en très fort développement.
Il y a également toute la partie « joueur » avec des joueurs de haut niveau. Nous sommes sur une construction du secteur sur les modèles des clubs de sport donc du coup il y a tout ce qui va être encadrement de la performance : les agents, les entraîneurs, les recruteurs, les directeurs esportifs, etc.
En ce qui concerne les joueurs esportifs, sachez que la retraite est à 24 ans ! Pourquoi ?
Parce qu’à partir de 24 ans, il y a deux choses qui déclinent l’acuité visuelle et la dextérité des doigts et le gamin qui a 15 ans ou 16 ans est beaucoup plus compétitif que vous.
Ensuite, il y a tout ce qui relève des médias et de la presse, des journalistes, des photographes. Et puis aussi l’événementiel, la direction de tournoi, l’arbitrage. Il y a aussi la diffusion. Dans notre école on forme beaucoup aux métiers de la diffusion et nous avons des plateaux pour faire de la web tv.
La partie informatique et technique, essentielle ! La communication, il faut faire des communiqués de presse, être sur les réseaux sociaux ! Toute la partie numérique, le développement d’applis, le référencement web, le marketing et enfin la gestion.
Quelles sont les compétences qui peuvent être liées aux jeux vidéo ?
On sait maintenant que le jeu vidéo peut développer les compétences cognitives. Je vais vous donner un exemple très parlant. Aux États-Unis, sur un CV on peut mettre ses compétences sur World of Warcraft. Un chef de guide, c’est le grand chef qui va diriger toute une armée sur World of Warcraft pour aller attaquer un gros château ou un donjon. Cette personne peut avoir en management jusqu’à du niveau n -5, ce sont des termes de management, donc on a une personne capable de manager jusqu’à plus de 100 personnes avec 5 hiérarchiques sous elles de manière inter-culturelle. C’est une compétence de management, c’est même une compétence de management très recherchée ! Donc c’est une vraie compétence, la question c’est comment la valoriser ?
Est-ce que le jeu vidéo peut être utilisé pour autre chose que du divertissement ?
Le divertissement est la vocation première mais pas seulement. Il va y avoir la notion de compétition et de dépassement de soi. On le voit avec le phénomène de l’esport. L’industrie du jeu vidéo influence les autres industries. Il y a plein d’utilisations possibles des jeux vidéo.
Aïden : oui, j’ai vu une utilisation des jeux vidéo pour du recrutement. Sur le site de Pôle Emploi, on peut s’entraîner aux entretiens d’embauche par le biais d’un jeu.
Sébastien : Bien sûr, moi j’ai une collègue qui a passé son code sur switch. Elle n’a pas payé l’auto-école, elle l’a passé en candidat libre en s’entraînant avec un jeu sur switch à 50 euros plutôt que de payer 600 euros une auto-école. Il y a plein d’utilisations possibles mais surtout il y a un champ de possibles à créer !
Aïden : Par rapport à « let’s play », il y a beaucoup de gens qui ont du mal à comprendre pourquoi leur gamin regarde quelqu’un jouer aux jeux vidéo. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur ça ?
Sébastien : Est-ce que tu joues au foot ?
Aïden : J’aime bien jouer au foot mais je n’y joue pas souvent.
Sébastien : Ok ! Donc tu ne joues pas au foot mais tu as regardé la dernière Coupe du Monde ?
Aïden : oui !
Sébastien : C’est la même chose pour les jeux vidéo ! Tu peux ne pas jouer et aimer regarder quelqu’un jouer. Je ne joue pas au tennis et j’aime regarder Roland Garros ! Moi, j’ai envie de regarder la technique de certains joueurs de jeu vidéo, comprendre comment il a fait pour passer un niveau. Il s’agit de s’ouvrir, voir des choses différentes de ce qu’on fait soi-même.
Aïden : un mot de la fin ?
Sébastien : Aujourd’hui, on est face à une industrie ludique de loisirs, on peut dire une industrie culturelle, qui aujourd’hui rassemble, qui aujourd’hui fédère, qui aujourd’hui peuvent réunir les générations. J’aime dire que Mario a 50 ans, aujourd’hui ça rassemble toutes les générations ! 73% des français jouent, 40 millions de personnes de Candy crush à League of Legend ! Le jeu vidéo est un formidable support, c’est un art qui permet de rassembler les gens à travers une œuvre et moi c’est quelque chose que j’ai envie de promouvoir plutôt que de le voir, le jeu vidéo, comme un frein ou comme une dérive ! Bien évidemment, il faut être attentif à ça et l’encadrer. Il ne faut pas éluder cette question mais il faut s’en servir comme une force et un outil qui aujourd’hui en France doit être une fierté ! Il faut se tourner vers ces nouvelles industries du numérique qui sont si indispensables pour rester compétitif dans notre pays !
