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La visio avec Caroline ROOSE

Le 21 février dernier, en vue de notre déplacement au Parlement européen à Bruxelles, nous avons eu la chance de rencontrer Caroline Roose, députée européenne pour Europe Écologie Les Verts, et Pauline Nales-Maubert, son attachée parlementaire lors d’une visioconférence. Nous avons saisi cette opportunité pour approfondir notre compréhension du rôle et des responsabilités d’un(e) député(e) européen(ne). Quelles sont les missions qui lui incombent ? Quels sont les chemins à parcourir pour accéder à cette fonction ? Découvrez les réponses de Caroline Roose lors de notre entretien passionnant !



Est-ce que vous pouvez-vous présenter ?

Je m’appelle  Caroline Roose, je suis née en  Belgique,  j’ai 55 ans et je suis députée européenne pour Europe Écologie Les Verts. Je suis élue  depuis 2019 et  je suis issue de la société civile. 

Quelles études avez-vous suivies ?

Alors, moi, j’ai un parcours atypique ! Mes parents avaient  4 enfants, ils sont venus en France et nous avons vécu quelques années dans une caravane. Financièrement, mes parents ne pouvaient pas nous payer d’études. Donc, j’ai travaillé tôt et j’ai fait des cours du soir, par correspondance, j’ai passé des diplômes en candidat libre, et j’ai obtenu un diplôme préparatoire aux études comptables et financières. Et ensuite, comme mon père était mécanicien à bateau,la mer me portait ! J’ai donc voulu être marin embarquée et  j’ai passé des diplômes pour travailler dans la marine marchande. Donc, j’ai été marin-embarquée. J’ai rencontré mon mari, qui était marin-embarqué aussi. J’ai été militante de terrain pendant des années, sur la cause animale et sur tout ce qui est protection des océans, la pêche, la pollution.  Et plus tard, j’ai voulu rentrer en politique car le militantisme de terrain a ses limites. Et donc, j’ai fait partie d’un parti politique, et ensuite, on m’a proposé d’être sur la liste des Européens. Et voilà, aujourd’hui, je suis députée.  

Quels sont vos horaires de travail ?

Alors ça, il fait demander à Pauline (rires). Pauline, quels sont mes horaires  ?

Pauline Nales-Maubert : Alors, je dirais tout le temps ! Caroline ne s’arrête jamais. On est d’ailleurs quatre assistants pour essayer de suivre son rythme. C’est  assez compliqué à dire, parce que les députés travaillent en général, du lundi au jeudi, soit à Bruxelles, soit à Strasbourg.  Strasbourg, c’est là où se passent lees votes. Et le reste du temps, ils sont en commission, enfin, Caroline vous expliquera peut-être un peu plus en quoi consiste concrètement le travail législatif.  Et puis le week-end, ils sont ce qu’on appelle en “circonscription”, donc ils sont sur le terrain. En l’occurrence, le terrain, c’est dans toute la France !  Et donc là, les députés vont à la rencontre d’acteurs associatifs, du secteur privé. Ils vont rencontrer des élus locaux en fonction de leurs dossiers et des thématiques sur lesquels ils travaillent. Donc, c’est vrai qu’ils ne s’arrêtent absolument jamais. Caroline passe sa vie dans le train, les bus à Bruxelles, Strasbourg, en Bretagne…  Les soirs, il y a aussi des réunions avec les militants des partis, les associations, etc. Donc, c’est très intense, on est très loin des  35 heures !

Caroline Roose : Oui, en gros, moi, j’arrive au Parlement à 7h du matin, à Bruxelles. Et je quitte le Parlement vers 20h, si c’est de bonne heure !  Et sinon, c’est selon les négociations et selon les réunions. Comme Pauline l’a dit, je suis à  Bruxelles 3 semaines par mois. Et une semaine, à Strasbourg pour voter.  

Pouvez-vous nous décrire une journée type ?

Si je prends la journée d’aujourd’hui, je suis arrivée un petit peu plus tard que  d’habitude, c’est-à-dire à  7h30. Je me suis occupée de mes mails et j’ai organisé ma  journée. Je suis quelqu’un d’assez carré, je dirais que mon parcours dans la marine, c’est un petit peu un parcours militaire : tout est carré, tout est posé. Je me fais des listes le soir  de ce que je dois faire le lendemain et je mets les choses  dans l’ordre pour ne pas perdre de temps.  Donc j’ai organisé ma journée puis je suis allée chercher mon petit stagiaire  de 3e qui est avec moi depuis lundi ! Ensuite, c’est la visio avec vous en ce moment. Puis, j’ai ce qu’on appelle une réunion de  groupe jusqu’à 13h30. La réunion de groupe, c’est tous les écologistes verts qui se rassemblent pour préparer tous les votes de la session plénière de la semaine prochaine.  À 14h, j’ai  un rendez-vous  avec l’association de l ‘Abbé Pierre autour de la problématique du mal-logement et des sans-abris. Et ensuite, cet après-midi, j’ai des rendez-vous, des réunions  jusqu’à 19h00.  Et voilà, donc ça, c’est un petit peu une journée type.

Pauline Nales-Maubert :  C’est un peu dur de parler de journée type pour le mandat de député européen. Par exemple, la semaine dernière, au dernier moment, Caroline a dû se rendre en urgence à Saint-Malo pour une action dont elle pourra peut-être vous parler. Donc, il faut bousculer souvent  l’agenda pour lui permettre de se rendre à un rendez-vous, de dernière  minute ou à  un moment politique important. Les journées peuvent être chamboulées en fonction de l’actualité politique médiatique du jour au lendemain. Donc, il faut être très adaptable. Dans l’ensemble, ce qui est  régulier, c’est qu’environ une fois par mois, les députés sont à Strasbourg et le reste du temps, ils travaillent plutôt à Bruxelles. Mais après, il n’y a pas vraiment de journée type parce qu’il y a les rencontres avec les associations, avec les militants, les rendez-vous politiques. S’il y a des textes qui sont votés un peu en urgence, il faut vite courir à Bruxelles, d’un bureau ou un autre pour aller récupérer des signatures, etc.

Il n’y a pas vraiment de journée type. Ce  que je peux dire, c’est que les journées sont longues  et intenses  !

Pourquoi avez-vous voulu devenir députée ?

Comme je le disais tout à l’heure, en fait, moi, j’ai toujours été militante de terrain. A mes 16 ans, je faisais déjà des manifs pour le bien-être animal. Et puis, j’ai voulu dépasser le terrain et agir au niveau législatif, “amener le terrain au Parlement” !  Et encore aujourd’hui, je me nourris de ce que je vois sur le terrain pour améliorer les textes législatifs.

Quelles sont les actions possibles que vous pouvez faire en tant que députée ?

On peut faire plein de choses ! Déjà, améliorer la législation européenne. Je vais vous donner un exemple concret. Les verts ont poussé pour avoir une commission d’enquête sur le transport des animaux vivants. Puisque aujourd’hui, en ce qui concerne l’élevage d’animaux, on doit les transporter pour les emmener à l’abbatoire, pour les emmener dans divers pays, des fermes d’engraissement, etc. Grâce à la pression des Verts,  aujourd’hui, on a obtenu une révision sur la législation, sur la loi sur le bien-être animal.

C’est à force de pression et de travail qu’on arrive à faire en sorte d’améliorer les lois et, ici, les conditions de transport des animaux. On a réussi à réduire le temps de transport de ces animaux. Donc forcément, cela réduit la souffrance de ces animaux. Il y a encore beaucoup de choses à faire en termes de bien-être animal, mais petit à petit on y arrive.  Moi, j’aime les actions de terrain aussi. Je travaille beaucoup avec des ONG pour voir exactement ce qui se passe sur le terrain et connaître les besoins, pour justement améliorer les lois au niveau européen.

Quel est votre salaire ?

Je crois de mémoire qu’on est à 7 800 euros. Mais il faut savoir qu’on reverse une partie de nos salaires à nos partis. Moi, je reverse 2000 euros par mois pour le fonctionnement du parti. Et on a un impôt qui est prélevé à la source au niveau européen, qui est d’à peu près aussi 2000 euros. 

Pouvez-vous donner un exemple concret de ce que vous avez fait pour le dérèglement climatique ?

Au début du mandat, on a fait pression sur la Commission européenne pour avoir ce qu’on appelle le Green Deal, “le pacte verbe européen”.  On a demandé à avoir des émissions de carbone beaucoup plus faibles. de sortir des gaz à effet de serre, de cesser de financer les énergies fossiles, … En commission du développement régional, je me suis occupée de la loi climat, justement, et j’ai négocié ce qu’on appelle le Feder. Le FEDER, c’est un fonds européen qui a pour objectif de favoriser le développement harmonieux, équilibré et durable de l’Union européenne en réduisant les écarts de développement entre les régions. Le FEDER sert à financer des projets pour améliorer la transition écologique. J’ai beaucoup travaillé sur les écosystèmes marins aussi et sur la loi de la restauration de la nature. 


Est-ce que vous regrettez parfois d’être députée ?

Oh ! Non, je ne regrette pas. Mon mari, un jour, m’a dit : “un jour tu seras députée”, c’était en 2006, et puis il est décédé en 2009. Et depuis, c’est  mon moteur  ! Mes moteurs, ce sont mes parents et mon mari, c’est de là que viennent mes convictions ! Donc, je ne regrette  pas. Et puis, je le fais aussi pour les générations  futures, c’est  important !

Est-ce que votre métier a un impact sur votre vie sociale ?

Forcément ! J’ai mis ma vie personnelle un peu à l’écart pendant ces quatre ans et demi. Je suis prête à le refaire encore puisque je me représente aux élections  européennes. Je vis seule, j’ai trois enfants que je ne vois pas souvent. Mon fils va être papa au mois d’août, il vit en Bretagne et je me dis qu’il faut absolument que j’aille le voir ! Et  j’ai un  emploi du temps très  compliqué. Il me le reproche, mais c’est aussi pour lui  que je fais ça ! Ça fait avancer les choses et dans la mesure où ça fait avancer les choses, ce n’est pas un sacrifice pour moi, c’est un investissement, je dirais. Mais c’est vrai que ça impacte beaucoup notre vie.  Quand je vois des députés qui ont des enfants en bas âge, je me dis que c’est difficile pour eux. Les miens sont grands,  ils ont 28, 32 et 35 ans. 

Quelles sont les commissions dans lesquelles vous avez  beaucoup travaillé ?

Moi je siège dans plusieurs commissions. Il y a la Commission Pêche, j’aurais aimé que cette commission s’appelle la Commission pour la protection des océans mais elle s’appelle la Commission Pêche. Sur cette Commission Pêche, on a ce qu’on appelle la politique commune de la Pêche, donc j’ai travaillé sur ces sujets-là, la préservation des océans, la pollution plastique.

Dans le secteur de la  pêche, on a ce qu’on appelle des quotas, quand une espèce est en danger, par exemple, comme le thon, dans les années 2000, qui  était au bord de l’effondrement, on a mis un quota, c’est-à-dire que chaque état membre à le droit de pêcher une certaine  quantité de poisson, et cette quantité de poisson est répartie entre les pêcheurs de cet état membre. Et donc je fais en sorte de travailler sur le fait que cette équité soit respectée, ce qui n’est pas le cas en France, malheureusement.

Un travail que j’ai fait aussi, c’est sur l’échouage de dauphin dans le golf de Gascogne, on a cette problématique de capture accidentelle de dauphin. Je travaille aussi sur tout ce qui est préservation des écosystèmes marins. 

Ensuite, il y a la Commission Développement, où je traite des sujets humanitaires, la Commission de développement régionale, c’est tout ce qui est fonds européen. J’ai géré par exemple, la tempête Alex, où la vallée de la Roya a subi énormément de dégâts, il a fallu débloquer des fonds d’urgence, donc j’ai travaillé sur ces fonds-là. Le Covid a fait qu’on a eu besoin de masques, de bouteilles d’oxygène, donc j’ai travaillé aussi sur ce fonds d’urgence pour débloquer des fonds, pour avoir ces masques et les vaccins et les bouteilles d’oxygène. 

Et ensuite, je suis vice-présidente de l’intergroupe animale au sein du Parlement européen, où on traite tous les sujets qui peuvent être abordés sur le bien-être animal, que ce soit sur la fourrure, que ce soit sur l’expérimentation animale, la chasse, les traditions comme la corrida…  


Comment  ça se passe  quand vous  travaillez avec des députés  qui n’ont pas les mêmes idées que vous ?

Alors, on a plusieurs groupes politiques au sein du Parlement européen : l’extrême droite, la droite, le centre,  les socialistes à  gauche. Donc, on vit beaucoup  dans le compromis !

Au sein du Parlement européen, pour que les textes passent, il faut qu’on ait suffisamment de voix pour que, au niveau des votes, les textes arrivent à passer. Donc, il faut  convaincre les autres !

Il m’arrive de travailler avec des partis centristes, avec les socialistes.  J’ai du mal à travailler avec les extrêmes droites parce que sur bien des sujets, on n’est absolument pas d’accord et je ne peux pas faire de concessions au-delà de mes convictions. Mais je travaille très bien avec différents groupes politiques et nous arrivons à collaborer. On n’est pas d’accord sur tout, mais on peut se parler et je pense que le fait de se parler, c’est important.

Est-ce que vous avez toujours voulu être députée ? 

Je suis passée par plein d’étapes. J’ai toujours eu un rapport privilégié avec la mer  puisque je plonge depuis longtemps, depuis que mon père m’a appris à nager. Je devais avoir 4 ans, 5 ans quand il m’a mis la première fois dans l’eau. Je n’ai pas eu au départ envie de faire de la politique puisque je n’étais pas dans une famille qui était politisée. Mes parents, la politique, ça leur passait par-dessus la tête !  

Donc j’ai commencé par être militante pour défendre des causes  qui me tenaient à cœur et ça m’a amené vers la politique, car selon moi, c’est par la politique qu’on fait avancer les choses. 

Est-ce que vous avez déjà défendu des projets de loi pour favoriser les l’égalité entre les hommes et les femmes ?

Oui, je me bats souvent pour ça ! Quand je suis arrivée au sein de la Commission Pêche,  lors de ma première intervention, l y avait  des députés hommes qui étaient présents et qui m’ont regardé  “de haut” en me disant  “nous ça fait 15 ans qu’on est là et en plus on est des hommes !”.  Je me suis dit “chouette, bienvenue dans la Commission Pêche où l’égalité homme-femme n’y est absolument pas !”. Donc, je me bats pour ça car pour moi, par exemple, cette commission n’est absolument paritaire et j’aimerais qu’elle le soit.

Quand par exemple, on demande des auditions en Commission, on appelle des experts,  chaque groupe politique doit proposer des experts, et en tant que coordinnatrice pour les Veerts,je demande à chaque fois à ce que les groupes politiques proposent un homme et une femme. Et je fais souvent des rappels au règlement sur le sujet parce qu’il est absolument anormal que des groupes politiques ne proposent que des hommes et quand je demande pourquoi ils ont proposé que des hommes,  on me répond “parce qu’on vous a proposé les meilleurs” donc on en est là aujourd’hui ! On rame encore sur le sujet femme en tout cas en Commission Pêche ! Il y a des commissions où ça se passe mieux mais on se bat toujours car on a pas encore la parité dans les commissions.


Est-ce que vous rencontrez souvent des jeunes comme nous  ?

Alors moi, je vais souvent dans des collèges, dans des lycées, car je trouve que c’est important d’expliquer ce qu’on fait au sein du Parlement européen. Demain je rencontre un collège ici à Bruxelles, je vais au lycée hôtelier de Nice dans 15 jours. Mes visites dans les établissements scolaires sont régulières, parce que c’est important que vous sachiez ce qu’on fait au sein du Parlement européen et qu’on vous présente des exemples concrets.  Souvent,  on dit que c’est la faute de l’Europe, mais on ne sait pas ce que fait l’Europe. Donc, oui, j’aime rencontrer des jeunes et  leur parler de mes missions.

Qu’est-ce que vous préférez dans les missions de député ?

La rencontre avec les gens ! Moi je suis vraiment issue du terrain, et j’aime voir les gens  sur le terrain. J’ai fait plein de belles rencontres ! J’ai rencontré un pêcheur extraordinaire au Sénégal, avec qui je suis toujours en contact, même chose en Guyane ! Et j’aime le travail au sein du Parlement européen aussi. Je l’aime beaucoup parce que je me dis que ce que je vois sur le terrain, j’arrive à l’améliorer au niveau des lois européennes, et c’est important. 

Pauline : N’hésitez pas à aller sur les sites des députés pour vous informer. Bien sûr, les articles les plus intéressants sont sur le site de Caroline ! (rires) Il y a des explications un peu détaillées sur comment fonctionne un vote, pourquoi ils sont importants, quels sont les impacts pour les citoyens européens etc. Et c’est toujours fait de manière assez accessible, parce qu’on sait que tout le vocabulaire, le verbatime européen, il est un petit peu technique et barbare. Et c’est pour ça que c’est hyper important, et Caroline a mis un point d’orgue durant tout le mandat à rencontrer des lycéens, parce qu’évidemment, c’est vous l’avenir, c’est vous l’avenir de l’Europe.  Donc c’est hyper important que vous puissiez être aussi témoin de cette Europe, de ce qu’elle fait sur les territoires, et que vous puissiez partager avec les autres, à quel point c’est important d’aller voter, de s’intéresser à cette thématique-là. Et votre voyage à Bruxelles, c’est super pour voir concrètement comment sont prises les grandes décisions, puisque des décisions européennes découlent énormément de décisions nationales.